Le musée de l’Immigration de Paris
« Le musée de l’immigration (suite) Le mur des disparus en Algérie »
Le musée de l’immigration de Paris
Enregistré dans : archives, politique, notre mémoire – 28 octobre, 2007 @ 15:08 Editer
Vue extérieure de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration le 16 septembre 2007 porte Dorée à Paris
Après quinze ans de gestation, la Cité nationale de l’histoire de l’immigration a enfin ouvert ses portes à 10 heures mercredi, au Palais de la Porte Dorée à Paris. En pleine polémique sur le projet de loi sur la maîtrise de l’immigration, l’inauguration a pris une couleur particulière. Pas de cérémonial officiel, en l’absence remarquée de Nicolas Sarkozy, de son ministre de l’Immigration Brice Hortefeux, ou de tout autre membre du gouvernement, mais regroupement de militants (Ligue des droits de l’homme, Réseau éducation sans frontières, Attac…) et cohorte de journalistes en guise de comité d’accueil.
La semaine dernière, l’annonce de l’inauguration ce lundi par le ministre de l’Immigration d’un nouvel Institut d’études sur l’immigration et l’intégration créé par le Haut Conseil à l’intégration de Blandine Kriegel avait mis le feu au poudre. L’événement a été tout simplement annulé.
Pour condamner cette initiative, le 2 octobre, une vingtaine d’universitaires, dont Gérard Noiriel, Patrick Weil, historiens, Patrick Simon, démographe, avaient lancé une pétition pour exprimer leurs « plus vives inquiétudes ». Déjà, avant l’été, un groupe de huit chercheurs, plus ou moins associés au CNHI, avaient « démissionné » de cette institution, manifestant ainsi leur désaccord avec l’intitulé de l’un des portefeuilles de Brice Hortefeux, celui de l’Identité nationale. , Coup médiatiqque à bon compte reproche l’un des membres du conseil d’administration, car ceux qui étaient engagés dans des travaux de recherche au CNHI ou qui bénéficient des subsides de l’État pour conduire leurs travaux n’y ont pas renoncé pour autant. »
De son côté, la Cité se serait bien passé d’une telle publicité. Mais pourquoi l’expression identité nationale agit-elle, auprès des intellectuels de gauche, comme une muleta devant le taureau?
Mercredi 4 juillet 2007, Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication a visité le chantier de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration au Palais de la Porte Dorée.
Maquette du musée
Ce musée se veut une exposition permanente qui mêle images d’archive et séries de photographes contemporains comme Olivier Jobard, connu pour s’être embarqué sur l’itinéraire d’un clandestin subsaharien, ou encore des valises d’immigrés et le chapelet bouddhique d’une Vietnamienne vivant en France.
«Cette histoire de l’immigration est quasiment méconnue et elle n’est pas reconnue. Faute de perspective historique, la plupart de nos concitoyens vivent l’immigration comme un phénomène récent (…) alors que toute l’histoire fait le récit d’une immigration constitutive d’une part importante de la réalité française, a expliqué Jacques Toubon, président du conseil d’orientation la Cité. La France a accueilli 30 millions de personnes au XIXe et au XXe siècle. 12 à 15 millions de Français ont aujourd’hui au moins un aïeul étranger à la troisième ou quatrième génération. »
Parmi les choix délicats, il y avait celui des dates. Faut-il remonter aux Celtes ? L’histoire qu’on racontera à la porte Dorée commencera vers 1820, avec les premiers contingents d’immigrés allemands.
Il fallait aussi savoir si on parlerait des migrations intérieures, l’exode rural des paysans vers les villes ou celui des Réunionnais vers la métropole. Le débat n’est sans doute pas clos. Mais, pour Jacques Toubon, il ne fait aucun doute que le musée doit parler de ceux qui « ont vécu une histoire d’immigration même s’ils n’étaient pas étrangers ». L’historien Benjamin Stora, spécialiste de l’Algérie, l’a pourtant mis en garde : les pieds-noirs sont Français et ne se sentent « pas concernés » par la migration, les harkis risquent d’être « encore plus énervés » que les pieds-noirs et les juifs d’Algérie (auxquels le décret Crémieux de 1870 accordait la citoyenneté pleine et entière) ne souhaiteront pas être assimilés aux autres juifs d’Afrique du Nord. Jacques Toubon anticipe des réactions encore plus vives des Antillais et Réunionnais, mais il a l’air décidé à tenir bon. (extrait de LDH de Toulon)
Pourtant lors du colloque du CNHI l’an dernier à la BNF le rapatriement des pieds-noirs en 1962 a bien été considéré comme une immigration et traité comme telle par les historiens présents, fort intelligemment d’ailleurs. Il est vrai que ce traitement avait soulevé des protestations dans la salle.
Voici un film sur l’histoire de l’immigration en France lefilm.doc
La Cité
La Cité comprend d’abord une exposition permanente, « Repères », qui met en perspective l’histoire collective et individuelle de deux siècles d’immigration en France.
Au travers de documents d’archives, d’images, d’oeuvres d’art, d’objets de la vie quotidienne et de témoignages visuels et sonores, cette exposition permanente souligne la part prise par les immigrés dans le développement économique, les évolutions sociales et la vie culturelle de la France.
Dès les prochaines semaines suivront des expositions temporaires comme celle consacrée aux « réfugiés arméniens au Proche-Orient et en France, 1917-1945″ du 16 octobre et jusqu’au 11 janvier.
EXPOSITION TEMPORELLE ACTUELLE
Les réfugiés arméniens au Proche-Orient et en France. 1917-1945
L’exposition est visible à la Cité depuis le 16 octobre 2007 et jusqu’au 11 janvier 2008.
Présentation
Cette exposition retraçant les diasporas arméniennes du début du siècle a été conçu en deux temps. Une première exposition intitulée Les Arméniens (1917-1939). La quête d’un refuge au Proche-Orient a d’abord été conçue par Raymond Kévorkian, Lévon Nordiguian et Vahé Tachjian.
Coproduite par l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (département d’histoire et bibliothèque orientale) et la bibliothèque Nubar de l’Union générale arménienne de bienfaisance (Paris), elle a été présentée à Beyrouth en mai 2006. Un second volet intitulé Se reconstruire en exil. L’arrivée des réfugiés arméniens en France a ensuite été réalisé, sous l’autorité scientifique de Raymond Kévorkian, par le Centre du Patrimoine Arménien à Valence, en partenariat avec la Cité. Ce second volet est présentée à Valence du 2 mars au 29 avril 2007.
L’exposition
Mêlant textes, cartes et une importante documentation iconographique, cette exposition revient sur les diasporas arméniennes du début du siècle.
S’intéressant surtout aux communautés arméniennes installées au Proche-Orient (particulièrement au Liban et en Syrie) et en France, cette exposition, réalisée entre Beyrouth et Paris, revient sur les processus d’adaptation aux sociétés d’accueil des différentes vagues migratoires arméniennes. Si dans un premier temps l’immigration, particulièrement difficile pour des populations regroupées dans des camps de réfugiés, était vécue comme une étape transitoire, après la Seconde Guerre mondiale les Arméniens prennent conscience du caractère définitif de la diaspora. Ils veillent alors à assurer la pérennité de la langue et de la culture arménienne en constituant des partis politiques, des églises, des associations, des établissements scolaires spécifiques, etc. Parallèlement, ils ont en même temps réussi à s’enraciner dans les pays où ils se sont installés en en devenant des citoyens à part entière, actifs dans différents secteurs d’activités.
C’est ce double mouvement de sauvegarde d’une spécificité culturelle et d’intégration dans les sociétés d’accueil ainsi que la complexité de l’identité de cette diaspora que l’exposition souhaite mettre en lumière.
Le quartier nord du camp de Mar Mkhayel à Beyrouth en 1924. © Coll. Bibliothèque Orientale – USJ
Quartier nord au camp de Mar Mkhayel à Beyrouth, 1924. © Coll. Bibliothèque Orientale-USJ.
L’arrivée des arméniens en France
L’arrivée massive de réfugiés arméniens en France, dès 1922, est étroitement liée aux bouleversements géopolitiques survenus au Proche-Orient, notamment à l’évacuation de Smyrne, en septembre 1922, et l’entrée des Turcs kémalistes en Cilicie, après le retrait de la France.
Environ 58 000 réfugiés arméniens débarquent dans le port de Marseille entre 1922 et 1924. Beaucoup vont s’établir dans des camps de fortune, comme les camps Oddo, Saint-Jérôme, Les Mille, etc., avant d’aller, pour une partie d’entre eux, tenter leur chance dans la vallée du Rhône et jusqu’à Paris.
L’insertion socio-économique de ces réfugiés va passer par la création d’organisations à vocation humanitaire, éducative, culturelle, sportive et, surtout, d’associations « compatriotiques ». Ces dernières jouent un rôle capital grâce à l’entraide qu’elles organisent. Elles lancent également des collectes de fonds destinées à la construction des écoles et des églises arméniennes. La presse et l’édition servent enfin de lien entre tous ces déracinés qui vont progressivement trouver leur place dans la société française.
Dans les années 1930-1940, nombre de ces réfugiés s’insèrent dans en France en pratiquant des métiers emblématiques, comme cordonniers ou tailleurs.
Mais c’est véritablement la Deuxième Guerre mondiale qui fait de ces réfugiés arméniens des citoyens français : leur engagement dans la résistance et la nouvelle donne politique engendrent une « naturalisation » massive de ces anciens réfugiés.
Les diasporas arméniennes
L’intégration des Arméniens dans leurs patries d’adoption, en France et au Proche-Orient, est passée par plusieurs étapes, parfois douloureuses, dont la mémoire tend à s’estomper. Avant de devenir citoyens français, libanais ou syriens, ils ont vécu l’expérience de tout réfugié déraciné, en quête d’un pays d’accueil, où ils pourraient trouver l’environnement propice à une reconstruction. Les bouleversements géopolitiques consécutifs à la Première Guerre mondiale ont redessiné la carte du Proche-Orient et offert aux réfugiés arméniens l’espace nécessaire au redémarrage d’une vie collective. Après l’anéantissement de 1915, les Arméniens ont eu la ferme volonté de reconstruire la nation, comme pour démontrer que le plan génocidaire conçu par le régime Jeunes-turcs, aussi systématique soit-il, n’était pas parvenu à les détruire totalement.
D’immenses efforts ont été déployés par les instances arméniennes, ainsi que par quelques organisations caritatives internationales, pour récupérer femmes et enfants dispersés dans tout le Proche-Orient et les réhabiliter. De vastes programmes de construction de quartiers urbains ou d’implantations rurales ont été menés par les agences pour les réfugiés de la Société des Nations, l’administration mandataire française et des organisations « compatriotiques » arméniennes, soutenues par l’Union Générale Arménienne de Bienfaisance. Ils ont permis l’évacuation progressive des camps, aux conditions de vie catastrophiques, vers des habitats plus décents. Des refuges, des orphelinats, des écoles, des églises ont été installés, parfois sous des tentes ou dans des baraques en bois, avant d’être édifiés en dur. La période de l’entre-deux-guerres a été pour les réfugiés arméniens comme un vaste chantier contribuant à la restauration de leur vie collective et à la construction d’un destin commun avec leurs pays d’accueil.
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