L’invasion de l’Algérie.
La ville et le territoire de l’Algérie actuelle sont alors sous la suzeraineté théorique du sultan d’Istamboul depuis trois siècles sous le nom de «Régence d’Alger». Dans les faits, l’intérieur du pays est livré à l’abandon, insoumis et réticent à l’islamisation. Le territoire compte environ trois millions d’habitants (contre 36 millions pour la France de la même époque).
En France, confronté à la fronde des députés, le roi Charles X éprouve le besoin de restaurer au plus vite son image.
C’est ainsi que le 2 mars 1830, lors de la séance d’ouverture de la Chambre, Charles X annonça officiellement sa décision : « Au milieu des graves événements dont l’Europe était occupée, j’ai dû suspendre l’effet de mon juste ressentiment contre une puissance barbaresque ; mais je ne puis laisser plus longtemps impunie l’insulte faite à mon pavillon ; la réparation éclatante que je veux obtenir, en satisfaisant à l’honneur de la France, tournera, avec l’aide du Tout-Puissant, au profit de la chrétienté. »
Le 3 mars 1830, dans le discours du trône, il évoque pour la première fois l’idée d’une expédition punitive destinée à obtenir réparation de l’insulte faite par le Dey, ainsi qu’à détruire le repaire de corsaires installé dans la régence d’Alger et mettre fin à l’esclavage !
Bref, Alger n’était qu’un prétexte, dont le but véritable était le renforcement du pouvoir. On dénonça cette expédition « liberticide ». tout en se moquant de certaines précautions imaginaires (par exemple, se faire accompagner de quatre cents chiens pour goûter l’eau des citernes et des sources afin d’éviter les empoisonnements !), on rappelait que toutes les tentatives faites depuis trois siècles pour prendre Alger avaient échoué.
LeDey ne s’excusant toujours pas, la tension montait, et toutes relations furent coupées entre Paris et Alger..
La marine française organisa alors le blocus, le long des côtes de l’Algérie.
Le 17 juin 1829, une felouque tenta de se faufiler vers l’est. Arraisonnée près d’une plage, les marins français furent pris sous le feu de plusieurs centaines de Bédouins accourus sur place, occasionnant la mort de deux officiers et de vingt-cinq marins. Le dey Hussein acheta aux Bédouins, au prix de 100 piastres d’or chacune, les têtes de vingt-quatre de ces marins, et les fit exposer près d’une des portes d’Alger.
Une insulte à la « Royale » !
Toute chance de négociation ayant disparu, il était désormais inéluctable que la France ait recours à la force.
Le débarquement à Sidi-Ferruch.
Dans les ports français de la méditerranée, une armada se forme.
11 vaisseaux de guerre, 20 frégates, 4 corvettes, 7 corvettes de charge, 11 bricks, 8 bombardes, 9 gabares, 7 bateaux à vapeur. Avec les transports, c’étaient 600 bâtiments… l’un des plus importants armements qui fussent sortis d’un port français !
L’agitation était intense dans le port d’embarquement : « Les rues, les quais, les places publiques de Toulon étaient remplis de soldats, de matelots, de curieux, de marchands, de spéculateurs, et de toutes les catégories d’intrigants, d’usuriers, de fripons et de désoeuvrés qui se traînent à la suite des armées, dans l’espoir d’avoir part au butin, en se mettant à la remorque de quelques fournisseurs ou de quelques sous-traitants.
« La cohorte des cantiniers était la plus nombreuse ; jamais armée n’a dû être mieux approvisionnée : de Marseille, de Nantes, de Sète, de Nice et de tous les ports de la Catalogne, se disposaient à partir en même temps que l’escadre, des bâtiments chargés de vivres de toute espèce [...], si l’on ajoute à tous ces embarras accumulés dans Toulon, l’immense personnel des vivres et des hôpitaux et la légion d’interprètes pour l’intelligence des diverses langues de la côte d’Afrique, depuis l’arabe du Coran, , jusqu’au tuarick [langue touareg] du pays des Tibbous, on concevra aisément quelle idée de grandeur s’attachait à une entreprise qui mettait en mouvement tant d’ambitions, tant d’intérêts et tant d’intelligences »
« A midi, la brise se fit belle et bonne [...]. Le départ, si longtemps retardé, devint un grand événement dont tout le monde voulait être témoin : quatre cents voiles sortant à la fois de la belle rade de Toulon, étaient un spectacle qu’on n’avait jamais vu, et que très probablement on ne devait jamais revoir. [...]
« A cinq heures, La Provence se mit sous voile, et, à la chute jour, il ne restait plus un seul vaisseau dans ce port, qui, quelques auparavant, contenait toute la marine française. » Alger ! Alger ! » criait-on de toutes parts, comme les Romains criaient » Carthage ! « » J.-T. Merle
Les soldats de Bourmont ont une étrange mission : passer la mer pour prendre Alger Il faut vingt jours à la marine à voile pour parvenir dans la baie de Sidi Ferruch. À la lunette, Bourmont observe la ville d’Alger, toute blanche, dominée par la Casbah, résidence du gouverneur Hussein-Dey qui impose au pays la loi du sultan de Constantinople.
Bourmont se demande si le Dey va résister. Il ne dispose pas, se dit-il, de forces suffisantes. La démonstration de la flotte devrait suffire, pour que la ville ouvre ses portes d’elle-même. La ville a la forme d’un triangle dont la Casbah est le sommet, un sommet de plus de 100 mètres d’altitude.
Beaucoup de ses habitants se sont enfuis, à l’approche des Français : 10000 peut-être, sur 30000
Commandée par l’amiral Duperré, la flotte avait pris la mer le 25 mai 1830. Après un séjour à Palma-de-Majorque, à cause des vents non favorables, l’escadre arrive en face de la presqu’île de Sidi-Ferruch, signalée comme le point la plus propice au plus près d’Alger et le débarquement commence à l’aube du 14 juin..
)
14 14 juin : - Avant le lever du jour les troupes françaises, (30.000 hommes sous lecommandement du général Louis de Bourmont, débarquent à Sidi Ferruch à 25 kilomètres, à l’ouest, d’Alger. C’est le plan de débarquement de l’officier du Génie, Boutin, que Napoléon Bonaparte, avait envoyé secrètement en Berbèrie, qui a été ressorti et utilisé.
Dans son rapport, Boutin écrivait : « Dans l’espace compris entre le cap Caxine, Sidi Ferruch et au dessous, et c’est vraiment là qu’il faut opérer… En débarquant à Sidi Ferruch, on n’aurait ni batteries à combattre, ni probablement d’ennemis en présence, ni de hauteur à gravir. On suivrait un chemin d’une pente presque imperceptible, tout à la fois éloigné de la vue des forts et de la plaine où la cavalerie est à craindre et qui conduit droit à l’emplacement du point qu’il faut attaquer le premier. La période favorable pour l’expédition était de mai à juin, en un mois on serait maître d’Alger.«
Conformément à ces recommandations, ce fut bien à la date précise et à l’endroit précis indiqués par Boutin, à Sidi Ferruch (Sidi Fredj en arabe), localité située à environ vingt-cinq kilomètres d’Alger, qu’eut lieu le débarquement des forces du vice-amiral Victor Guy Duperré sur le littoral algérien. C’était le 14 juin 1830. Comme prévu par Boutin une vingtaine d’années plus tôt, aucune résistance n’attendait les Français en cet endroit.
Les troupes françaises débarquent sur la plage de Sidi Ferruch, à 25 km d’Alger. La défense algérienne, en nombre Infime, juste l’effectif de la batterie côtière, ne put empêcher les troupes françaises d’effectuer leur débarquement.
Pendant ce temps, la flotte bombarde les défenses de la ville, en particulier la citadelle de Fort-l’Empereur, ainsi nommée en souvenir de Charles Quint
«La progression de l’ennemi et le choix de ses positions se firent donc sans grandes difficultés. Quelques tirailleurs, cavaliers et fantassins accourus de la région tentèrent de s’y opposer, la batterie turque, faute de beaucoup de munitions, ralentit ses tirs. Elle tomba, peu après entre les mains de l’ennemi.
Ce fut cinq jours après que les troupes d’Ibrahim Agha firent leur apparition. Il avait concentré ses forces à El Harrach, pendant que les autres débarquaient à l’ouest. Il s’était laissé tromper par la présence d’une importante flotte au large, qu’il croyait hésitante à effectuer le débarquement alors qu’elle servait seulement de couverture.
Ibrahim réunit ses troupes sur le plateau de Staouéli Il décida de l’attaque du camp ennemi le 18 juin, dès le point du jour. L’ennemi subit de grosses pertes, mais Il progressait.
Craignant d’être encerclé par l’ennemi, Ibrahim Agha quitta ses positions abandonnant une grande partie de ses bagages et munitions, tentes, 5 pièces de canons, 4 mortiers, du bétail, des munitions, etc … ).
Les fuyards puis les blessés, qui rentrèrent à Alger, y semèrent une panique épouvantable. Des centaines de familles commençaient à quitter leurs habitations pour la campagne. Le dey fit fermer les portes, avec ordre de ne les ouvrir qu’à son gendre l’agha Ibrahim pour qu’il puisse l’informer du déroulement des opérations.
Quand celui ci lui relata les péripéties de la bataille, il comprit l’erreur qu’il avait commise dans ces circonstances particulièrement critiques.
Bou Mezrag se hâta de rallier les fuyards et de les réencadrer, pour en constituer une nouvelle armée avec laquelle il reprit l’offensive le 24 juin. Mais Il dut, une fois de plus ordonner un repli. A Sidi Bou Naga, les troupes algériennes stoppèrent celles de l’ennemi, grâce à des batteries que Bou Mezrag avait fait Installer sur les hauteurs de Bouzaréah. Les sapeurs français qui tentèrent de creuser des tranchées autour de leurs positions bien proches, maintenant de la capitale, furent durement éprouvés par le feu de l ‘artillerie de la Casbah, du Fort Sultan (Fort l’Empereur), et du Fort Bab Azoun.
4 juillet : Les troupes française assiègent le « Fort l’Empereur », au dessus d’Alger, qui leur barre l’accès à la ville.
Il faut signaler l’existence d’escadrons de spahis combattant dans les
rangs de l’armée française . Dès 1830, en effet, apparaissent dans notre armée les premiers escadrons de cavalerie Indigène. Ce sont les Spahis Turcs en grande partie, qui, avant l’arrivée de l’armée française, faisaient partie des troupes montées du Dey d’Alger. Licenciés, après la prise d’Alger, par nos troupes, un certain nombre d’entre eux viennent, sous les ordres d’Yusuf, se ranger sous notre drapeau. Le maréchal de Bourmont, puis le Général Clauzel, acceptent le concours de cette cavalerie indigène qui constitue d’abord un, puis deux escadrons commandés respectivement par Yusuf, promu capitaine, et par le Chef d’escadrons Marey.
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«…Il y eut, par la suite un duel à mort entre les deux batteries, quand, après quatre heures de combat, on entendit une formidable explosion. C’était le dernier carré des tobjis turcs qui, pour ne point céder le fort à l’ennemi, s’étaient sacrifiés en faisant sauter la poudrière.
Pressé de toute part par certains défaitistes, le dey consentit à entrer en négociation avec les envahisseurs. Son émissaire Mustafa Saïji, proposa de la part de son maître, de donner toutes les satisfactions demandées, et, de payer les frais de l’expédition. Le général de Bourmont lui répondit qu’il n’entrerait en négociations que lorsque l’armée française occuperait Alger et tous les forts qui en dépendaient, y compris la Casbah.
Mostefa Saïji revint peu après en compagnie du consul d’Angleterre qui essaya de fléchir la commandement français. Ce fut en vain.
L’émissaire du dey reçut alors, par écrit, les conditions de paix. Conditions que nous connaissons. Le 5 juillet l’armée française faisait son entrée à Alger pour donner naissance à une longue période coloniale.╗
le 5 juillet à midi, Bourmont fait son entrée à Alger, au son de la Tyrolienne de Guillaume Tell et de la Marche de Moïse
article de Denis Mourad Chetti – Automne 2003.
La guerre présentait néanmoins une dimension asymétrique, les combattants algériens étant essentiellement des volontaires peu entraînés en comparaison avec les soldats français, dont une partie avait servi sous les ordres de Napoléon Ier. L’artillerie était quasi-inexistante pour pouvoir inquiéter l’armée française. Enfin, l’inexpérience du général algérien à qui fut confiée la tâche de bouter les Français hors d’Algérie finit d’annihiler toute chance de victoire. Les forces algériennes furent donc logiquement battues
Selon les termes de l’accord de reddition, le Dey devait livrer à l’armée française le Fort de la Casbah, ainsi que tous les forts d’Alger. En échange, le Régent déchu aurait la liberté de partir avec sa famille là où il le souhaitait, avec l’assurance que sa sécurité serait garantie, en tout lieu où il se rendrait.
10 juillet : - Avec l’accord des Français, le Dey d’Alger s’embarque pour Naples, les français ont saisi son trésor,48 millions de francs, soit l’équivalent de quatre milliards d’euros actuels, furent prélevés dans le trésor permettent de couvrir les frais de l’expédition
Enfin, l’accord stipulait que la pratique de la religion musulmane ne serait pas entravée et que la liberté des Algériens ne serait en aucun cas bafouée, quel que soit leur rang dans la société, leur religion ou leur richesse.
. Les soldats français se livrèrent quant à eux à une mise à sac de la ville qui ternit leur victoire
La conquête de l’Algérie allait se poursuivre pendant plusieurs années à l’intérieur des terres, .
S
Vue générale d’Alger, Chandelier dessinateur et Walter lithographe ; Vue extraite de l’album Bettinger © CAOM
Sources :
- « Comment l’Algérie devint française – 1830-1848″, Georges Fleury, Perrin, 2004 (ainsi que pour l’image).un article de Pierre Michelbach – Historia Spécial N° 486/H.S./ RD – Juin 1987.Islamoline,le site de l’Université de Yale
- « La Epoca » – Avril 1865. Sourceshistoire-Empire , et La Cour de Charles X, ouvrage du baron Imbert de Saint-Amand,
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