J’ai vu le film de J-P LLedo
Je suis donc allée voir le film de Lledo et je n’ai pas été déçue ni même irritée par certaines erreurs historiques pardonnables. .
Je ne vais pas détailler les péripéties du film vous avez dû déjà lire mon article je n’ai rien à y retoucher après avoir vu le film.
Pour la première fois des auteurs de massacres d’Européens parlent et décrivent sans état d’âme leurs exactions.
Les phrases prononcées par l’un d’eux répondant à une question de Aziz sur l’insurrection déclenchée par l’ALN, le 20 août 1955, qui ciblait la population eur opéenne sont terribles à entendre :
- » Pourquoi vous les avez tués tous, femmes et enfants. pourquoi les enfants?
- « Les chefs nous le demandaient. Ils nous disaient que chez les Gours c’était la femme qui commandait et si nous tuions les femmes et les enfants elles demanderaient au mari de partir et qu’il fallait les tuer tous ». Je ne sais ce qui m’a le plus blessée : le contenu de la phrase ou le ton d’une tranquillité effrayante et sans gène aucune avec lequel étaient dites ces paroles devant une caméra.
Je comprends pourquoi le film est interdit en Algérie et je crois juste la crainte de Lamine MERBAH lorsqu’il veut justifier la censure :
« Des témoignages non anodins de certains moudjahidines algériens disent que les révolutionnaires algériens ont commis des crimes atroces contre les Pieds-noirs. Donnant ainsi l’image d’un terrorisme qui coule dans le sang des Algériens depuis la nuit des temps ».
C’est exactement ce que j’ai pensé sur le champ et l’un de mes amis présent près de moi a écrit le lendemain « Ce film aurait pu avoir comme titre : Nous sommes tous des assassins »
Ce n’était certes pas le but poursuivi par J-P Lledo mais c’est hélas ce que des PN ont dû se dire oubliant les amis plus humains qu’ils avaient laissés là-bas.
Même la présentatrice d’une émission de radio au demeurant plein d’humour et semble-t-il très instruite a dit elle aussi que si on lui avait demandé de tuer sa nounou, tant aimée, devant la maison de qui elle pleure, elle l’aurait fait. Pourtant dit- elle, elle vivait très heureuse au milieu des Français de Bab el Oued qui eux, vers 1961 lui ont recommandé de partir dans la maison de sa famille dans la Casbah.
La séquence sur Cheïkh Raymond est plus ambiguë, son assassinat est toujours nié par le FLN, et je suis étonnée de la survivance de sa mémoire parmi ces « vieux » qui se réunissent encore aujourd’hui pour écouter ses enregistrements.
Arrive la séquence sur Oran : peut-être ceux qui ne connaissaient pas la situation catastrophique du quartier de la Marine ont-ils été surpris et scandalisés, certains spectateurs ont murmuré dans la salle, mais le pire n’a pas été montré.
Certains personnages du film de Gilles Pérez »Les Pieds-Noirs « auraient eu leur place à ce moment-là, pour parler eux aussi de cette communauté entre les Marinéros. Dans la vidéo que je leur ai envoyée ils ont reconnu tous les personnages du film, Amida, Charlemagne et TchiTchi, et tous ceux qui parlent de leur jeunesse commune et partagée sans problème de racisme, comme des frères disent les personnage du film de Lledo et de raconter des anecdotes pour le prouver. A cette évocation sans faux-semblant, j’ai mieux compris l’amertume de tous mes amis , ‘Marinéros français » après le 5 juillet 1962 devant la passivité (dans le meilleur des cas) de leurs anciens amis .
Le meilleur du film, à mon avis, est le jeune intellectuel oranais Kheïreddine qui interroge les habitants de ce qui reste de la Marine , il les traque dans leurs non-dits et arrive à les faire parler sur le 5 juillet, poussant son interlocuteur à se contredire et à ne plus savoir comment s’en tirer.
Le massacre du 5 juillet ? Ils ont bien déclaré que c’était une horreur et qu’ils ne pouvaient pas en dire davantage devant la caméra, car « cela irait contre l’Honneur de l’Algérie » et ils esquivaient : moi je n’étais pas là, je n’ai rien vu ! On m’a parlé du Petit Lac! On m’a dit qu’on les égorgeait et qu’on le jetait dans « l’étang » …Tchitchi, lui prétend avoir sauvé des personnes enfermées par le FLN dans une salle de la Calère. Allez voir le film mes amis vous me direz si c’est possible!
J’ai appris que la pièce que montait Kheïreddine au Théâtre d’Oran : Les justes de Camus avait été interdite. Vous devinez pourquoi, si vous connaissez la pièce qui cerne trop la réalité .
Je vous recommande d’aller voir le film : pour une fois des vérités sur les massacres de Français sont dites par des Algériens pro FLN et auteurs de ces massacres, ils sont très courageux ont dit, dans la salle, durant le débat, des coreligionnaires qui savaient de quoi ils parlaient Ils n’ont pas la langue dans la poche : impensable pour moi il y a quelques jours seulement.
L’avis d’une des filles des victimes enlevées le 5 juillet 1962
Ce film est intéressant parce qu’il est tourné en Algérie et toutes les personnes interrogées sont Algériennes, il n’y a pas d’interview de Français il est objectif et sans complaisance. Les arabes reconnaissent leurs participations aux attentats et aux actes inhumains vis à vis des PN avec qui ils reconnaissent avoir eu de l’amitié ils se justifient par le seul argument que le FLN leur donnait l’ordre et ils ne le discutaient pas , allant jusqu’à tuer ceux qu’ils considéraient comme des frères.
Le plus intéressant pour nous, Oranais, est que les témoins du massacre du 5 juillet qu’ils soient participants ou pas sont gênés et disent qu’ils ont commis une faute grave que les Oranais qui étaient restés, ne méritaient pas ça. Une des personnes interrogée parlent même de génocide. Ils savent tous que le petit lac renferme les cadavres…
Une fois de plus si l’histoire officielle nous a condamné en tant que colonialistes, l’histoire des hommes qui vivaient le même quotidien est là pour rappeler que nous n’étions pas ce que l’on a voulu faire croire. Certains dans la salle partisans de l’indépendance, ont reconnu qu’ils n’étaient pas au courant de cette réalité.
Ce film mérite d’être vu… je le conseille pour comprendre l’état d’esprit des Algériens à notre égard ,dont le but était de nous faire partir par la terreur, ils reconnaissent, qu’ils étaient sans pitié même vis à vis des PN qu’ils côtoyaient depuis toujours. Ce film est plein d’enseignements pour nous. Ceux qui avaient l’illusion qu’on aurait pu vivre ensemble n’auront plus de regrets.
V. Ezagouri
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