PERPIGNAN Le Centre de documentation des Français d’Algérie ouvert en 2012
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Dans le futur Pôle muséal de Perpignan, les exils et leurs mémoires ont leur place. En premier lieu, le Centre de documentation des Français d’Algérie logé, comme prévu, à l’ancien Couvent de Sainte-Claire et opérationnel en 2012.
Il y a plus de quatre ans que le Centre de documentation des Français d’Algérie est l’objet d’une polémique souvent virulente. Des associatifs se sont même réunis en collectif, et ne manquent pas de faire savoir leur infatigable désapprobation, à coups de conférences de presse et de présence assidue dans les rangs du public à presque chaque conseil municipal. Avec des pancartes qui, sans crainte des raccourcis racoleurs, affichent : “Non au musée de l’OAS”. Malgré cette opposition constante, le Mur des disparus a été inauguré le 25 novembre 2007. Et le Centre de
cachePubVide(‘pubCarreEdit’);documentation de la présence française en Algérie avance. La preuve, il s’inscrit dans le détail du futur Pôle muséal de la ville (voir notre article du lundi 16 août).
Premier colloque sur les exils en février 2011
Le 16 septembre, en présentant à l’approbation du conseil municipal le contenu du Pôle muséal, Maurice Halimi, adjoint à la culture, sait qu’il va au-devant de démonstrations hostiles. Avec Suzy Simon-Nicaise, ex-présidente du Cercle algérianiste et adjointe au maire déléguée aux associations, et Raymond Sala, conseiller municipal délégué au patrimoine, il forme le comité de pilotage du Centre de documentation des Français d’Algérie. Celui-ci ouvrira courant 2012, après un colloque de lancement sur le thème “Exils croisés en Catalogne du nord”, qui se tiendra en février 2011. Le centre occupera une salle de 300 m 2 , au rez-de-chaussée de l’aile réhabilitée de l’ancien couvent ; cette salle servira à la consultation, en partie numérisée, de cartes, documents, lettres, éléments d’état-civil, journaux. Les livres seront consultables en direct. Le fonds provient des acquis du Cercle algérianiste qui en restera propriétaire. Au premier étage, un autre espace de 300 m 2 recevra une exposition permanente sur les 132 ans de présence française en Algérie, mais aussi sur l’avant et sur l’après, c’est-à-dire le retour en métropole. Enfin, les deux galeries du cloître accueilleront des expositions temporaires sur les exils ; les premières prévues porteront sur l’exil bosniaque et sur l’Orient vu par les peintres (en liaison avec le musée de Narbonne). “On part d’une communauté en exil, les Français d’Algérie, pour mener une réflexion sur tous les exils, la perte, puis la reconstruction, la réinvention”, explique et conclut Marie Costa, directrice de la culture de la ville.
“On nous conteste le droit de revisiter notre mémoire”Maurice Halimi, adjoint à la culture, membre du comité de pilotage du Centre, et lui-même rapatrié d’Algérie, répond à nos questions :
Le Centre de documentation des Français d’Algérie est l’objet d’une forte hostilité des élus et associatifs de gauche. Comprenez-vous cela ? Les Français d’Algérie n’étaient pas une communauté monolithique, c’était déjà un agrégat de gens exilés de France, d’Italie, d’Espagne, de Jérusalem ou d’ailleurs, avec un ciment commun qui était la France. 1962, ce sera l’exil dans l’exil, la double blessure. Alors comment comprendre que nous soyons la seule communauté à qui l’on conteste le droit de revisiter sa mémoire ? C’est d’autant plus douloureux pour nous, que nous n’avons aucune possibilité de retourner en l’Algérie, la terre où nous avons respiré pour la première fois, afin de nous y recueillir sur une tombe, devant une maison ou un paysage.
Et quand ces mêmes opposants brandissent des pancartes où on lit “Non au musée de l’OAS” ? Nous ne focalisons ni sur la guerre, ni sur un an et demi d’OAS. Ce qui nous intéresse c’est la globalité de l’Algérie qui nous a vus naître. Et nous voulons faire en sorte que la pluralité de sa population amène à une réflexion sur tous les exils. Comment mieux comprendre l’histoire de la Catalogne du nord, si ce n’est en connaissant les strates successives qui l’ont construite ! Notre projet n’est pas un projet de repli, au contraire il est le reflet d’une grande ouverture sur les autres et sur la compréhension de leurs blessures. Mais nos opposants ont toujours refusé de dialoguer avec nous. Ils nous font un procès d’intention, nous sommes suspects par définition parce que Français d’Algérie. Nous sommes nés suspects.
Au départ, le Centre de documentation des Français d’Algérie s’appelait “Centre de documentation de la présence française en Algérie”. Le changement d’appellation suggère-t-il une modification des contenus, ou avez-vous obéi à la pression des opposants ? Absolument pas, nous n’obéissons à aucune pression. Il y avait un projet de mémoire porté par le Cercle algérianiste, et de là nous sommes passés à un élargissement de la vision des exils. Donc il n’y a pas de changement dans les contenus, mais la recherche des contenus les plus proches de notre thématique et la recherche d’une terminologie qui soit la moins réductrice possible. On parlera aussi des communautés immigrées, mais ce sera dans un cadre distinct.
Qui financera le Centre ? La restauration du site s’est opérée avec un financement municipal et de l’argent de l’Etat. Pour ce qui est du fonctionnement, des personnels de la ville seront affectés au Centre, et une péréquation sera opérée sur l’ensemble du Pôle muséal et le budget de la Direction de l’action culturelle de la ville. Cette péréquation se montera à 20 000 euros par an, pendant 3 ans. Le Cercle algérianiste amènera le fonds de documentation et des bénévoles.
Josianne Cabanas