GAZETTE de LA-BAS

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Racines anciennes du christianisme en Kabylie

Classé dans : histoire,Religion — 28 juillet, 2008 @ 23:33

        En 770, la dynastie Idrisside qui contrôlait toute l’Afrique du Nord entreprit la destruction de l’église catholique et  les dernières communautés chrétiennes berbères s’éteignirent à la fin du 11ème siècle. Mais, dans certaines régions berbères, les femmes ont continué tout au long des siècles  à se faire tatouer une croix sur le menton et la représentation d’un poisson, signe distinctif des chrétiens des premiers temps, figure toujours sur le seuil des maisons dans certaines campagnes berbères comme le pays khroumir                                                                                                      

                                                  Racines anciennes du christianisme en Kabylie dans histoire kahinawahab758                                                                                                                                        Un Algérien chrétien vivant en France témoigne sous couvert d’anonymat : « Lorsque je suis en Kabylie, j’ai le sentiment qu’il est plus facile d’y parler de Jésus-Christ qu’en France. Il arrivequ’on entende dans les magasins des expressions comme « Gloire à Dieu » ou « La paix du Christ »,alors qu’en France, c’est moins fréquent. »

Tous les chrétiens maghrébins que nous avons rencontrés insistent sur le caractère autochtone de leur foi. Souvent, leur environnement porte le soupçon qu’ils sont devenus chrétiens pour être comme les Français ou les Américains, voire pour obtenir des avantages financiers ou de facilités pour émigrer : « N’oublions pas que le christianisme a été très vivant dans notre région dans les premiers siècles. L’Afrique du Nord a donné des grands théologiens à la première Eg lise, comme Tertullien, Cyprien, Donat ou Augustin, ainsi que quelques papes.

Quand le Maghreb était chretien (voir article précédent)

À observer l’Afrique du Nord actuelle, on conclut hélas trop vite qu’elle est orientale. Or quelles sont les origines profondes du Maghreb ? La question a été maintes fois traitée, et la réponse historique est toujours la même : l’Afrique du Nord fut chrétienne et appartenait à l’Empire romain.

Le Maghreb musulman d’aujourd’hui fut largement chrétien autrefois. Son nom d’ailleurs signifie le Couchant ou Occident en arabe (Al-Maghrib)  à suivre -> 006 dans Religion

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Les Berbères romanisés avaient été loin dans l’assimilation. Ils avaient adopté la langue, les moeurs, même l’esprit de Rome qui put recruter chez eux des chevaliers, des sénateurs et susciter une élite intellectuelle représentée par Apulée, Fronton, Tertullien, saint Augustin. On ne dira jamais assez combien ces Berbères furent profondément christianisés. Le nombre des églises est un sujet d’étonnement car on en voit toujours plusieurs dans un bourg de moyenne étendue. Ce sont ces Berbères nombreux assimilés et christianisés que vint heurter l’invasion islamique.

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Le christianisme durant l’Algérie française.

Les conversions au christianisme, dans l’Algérie coloniale, ont été un phénomène peu connu et surtout peu étudié par les sciences sociales.

La Kabylie a été la région d’expérimentation d’une politique d’évangélisation qui a commencé dans les années 1870 à l’initiative de Charles de Lavigerie, archevêque d’Alger depuis 1867. Convaincu de l’ancienneté des racines chrétiennes en milieu berbère, il mena une action missionnaire dans la Kabylie montagneuse considérée, selon lui, comme Le Liban d’Afrique.  Lavigerie, profondément kabylophile, était pleinement convaincu qu’entre Kabyles et Français, la même origine romaine chrétienne créait des liens providentiels

                     Une historienne, Karima Dirèche-Slimani se propose dans un ouvrage « de reconstituer les étapes historiques et les modalités sociologiques » qui ont présidé à l’émergence d’une communauté de chrétiens d’origine kabyle. Ils ne sont que quelques milliers mais leur impact symbolique, hier comme aujourd’hui, pèse lourd dans l’imaginaire et les représentations d’une société et d’une nation en formation. En étudiant cette communauté de chrétiens de Kabylie, Karima Dirèche-Slimani répare donc cet oubli partagé.

 

ChretiendeKabylieL’auteur le déclare d’emblée et le démontre tout au long de son travail: le christianisme contemporain n’a rien à voir avec le christianisme antique. Cependant, ce dernier a servi à la construction du « mythe kabyle « qui considère la Kabylie comme une terre d’islamisés et non pas de musulmans. Sur cette base, le mouvement des conversions initié au XIXe siècle va s’employer à réparer cet accident de l’histoire et contribuer ainsi à asseoir le projet colonial.

 

 

doc doc1.doc   à gauche : Suzanne, première communiante, Alger, 1830   

                         à droite : Roger, premier communiant, Alger, 1830

                        doc doc2.doc   Pères Blancs et paroissiens en 1840

Au-delà de la lumière jetée sur un aspect occulté de l’histoire de l’Algérie (et de la France) contemporaine, l’auteur interroge cet impensé lui-même qui fait que pendant plus d’un siècle aucun chercheur d’une discipline constituée n’a trouvé d’intérêt à aborder cette question, laissant le terrain libre aux spéculations et aux stigmatisations. Elle nous donne un premier élément de réponse en affirmant que « l’interaction entre christianisme et colonisation est, sans aucun doute, à la source de ces malentendus et de ces incompréhensions

                            doc coledefilles4.doc

L’auteur époussette une documentation riche et encore inexploitée. Elle nous invite aux archives des missionnaires qui se trouvent à Rome (Maison généralice des missionnaires) ou à Alger (archevêché), nous laissant entrevoir les trésors qu’elles recèlent. Des registres de catholicité ou Liber status animarum, et des registres de baptêmes in articulo mortis; 13520des diaires qui nous renseignent sur le statut personnel des populations, sur leur état sanitaire et médical ainsi que sur l’univers des individus, des familles et des missionnaires eux mêmes.                               

 

Karima Dirèche-Slimani affronte également la parole hésitante et fuyante des concernés eux-mêmes. Les Kabyles chrétiens que l’auteur a rencontrés ne parlent pas facilement de quelque chose qui aujourd’hui encore travaille leur être au monde.

Karima Dirèche-Slimani nous décrit les conditions historiques et sociologiques de la Kabylie de la fin du XIXe siècle en partant de la donnée géographique. La Kabylie montagneuse, plus pauvre, n’avait pas suscité beaucoup d’intérêt aux yeux des Ottomans village_kabyle-12e3equi l’avaient délaissée ; et la colonisation française a longtemps hésité avant de la conquérir. Les différentes insurrections appellent cependant à une répression féroce qui coûtera très cher à cette partie de la Kabylie (70 % de son capital selon R. Ageron) et fera fuir toutes ses élites traditionnelles. Faisant le lien entre cette violence répétée et « la fuite des élites locales, notamment des clercs et des grandes familles maraboutiques », Karima Dirèche-Slimani considère que « Les insurrections de 1857 et surtout de 1871 sont des moments majeurs de décléricalisation de la Kabylie ».

 

                                   

                                                                                                                                                                                                                

   Paupérisation, violence et déstructuration sociale ont précédé ou orienté l’installation des missionnaires dans une région fragilisée où ils ont été témoins et en partie acteurs des profondes mutations. Au-delà des raisons historiques et géographiques, l’implantation kabylie1chrétienne en Haute-Kabylie est en partie facilitée par la quasi-absence de lieux confrériques, concentrés en grand nombre dans la plaine et dans la partie orientale de la basse Kabylie

                                                                                                                                                                                  

Ainsi, par le hasard de la géographie et de l’histoire, au cœur du massif du Djurdura, cinq tribus (Ath Smaïl, Ath Menguellet, Ath Yenni, Beni Douala et les Ouadhia) se trouvent concernées par le phénomène de la conversion, si rare par ailleurs dans l’histoire de l’Algérie coloniale.

 

 

doc enhautgauchen3.doc :familles chrétiennes

                                                                                                                                                               Monseigneur de Lavigerie                         

                                                                                                                                        11orphelins2

Convaincu dès son installation à Alger par ce qui désormais est appelé le mythe kabyle, Mrg Lavigerie crée « l’œuvre de Saint Augustin pour la résurrection de la foi ». Tout un programme. Il s’agit de refaire vivre une foi chrétienne enfouie sous le poids 

                                                 13511

d’une couche d’islamisation récente. Ceux qu’on appellera plus tard les Pères blancs ont cru à «l’idée que les Berbères, islamisés par la contrainte et la violence, ne demandaient qu’à réintégrer la  religion de leurs ancêtres ». Lavigerie, profondément kabylophile, était pleinement convaincu qu’entre Kabyles et Français, la même origine romaine chrétienne créait des liens providentiels

Un effort colossal de (re) christianisation qui va aboutir à quelques conversions que Karima Dirèche-Slimani a qualifiées de « conversions de la misère ». En effet, c’est sur le  

                                        13510l

terrain de la pauvreté et de la maladie que toute cette épopée s’est jouée. En distribuant à manger aux démunis, en accueillant les orphelins, en soignant les malades, les missionnaires vont vite devenir indispensables et même recherchés par des populations vivant une grande misère et dans un grand désarroi. Bientôt, veuves avec des enfants à 13479charge et orphelins ou personnes âgées en situation de dénuement total ou à l’article de la mort, vont commencer à accepter la conversion qui leur est proposée. Cette conquête des corps devient peu à peu une conquête des âmes. Les sœurs blanches deviennent des sortes de s marabouts» à qui on demandera de soigner toutes sortes de douleurs, même celle de la perte des êtres chers. En tant qu’infirmières, elles vont jouer un rôle dans l’évolution des mentalités et du rapport à la médecine. 

                                                                                                             Hôpital Sainte Elisabeth – Groupe de malades  13477                                                  

                                                               

13481

 

 

 

 

 

Ouvroir indigène des soeurs blanches, travaux de vannerie  

D’autres religieux vont investir l’institution scolaire pour développer leur apostolat. Ce qui favorisera la propagation du projet colonial parmi les populations les plus éloignées des centres de la colonisation. Il faut attendre l’avènement de l’école de Jules Ferry en 1880 pour que ces religieux se voient disputer un terrain qui, jusquelà, leur était exclusivement réservé.

                              Chretiens-Kabyles1         

École de filles, mission des Sœurs Blanches

    Une vingtaine d’écoles en Kabylie :

L’école de Taguemount fut ouverte dès 1873. L’internat était, à l’origine, destiné à former une élite chrétienne. Par leur niveau d’étude et d’instruction, les élèves chrétiens deviendraient des modèles de réussite à imiter.

La Kabylie a compté jusqu’à une vingtaine d’écoles congré- gationnistes. Les écoles de filles étaient tenues par des Sœurs Blanches. Et si au départ, leur principale activité était l’ouvroir de tissage et de couture, elles proposeront une formation plus large…

 L’école vue du jardin.

 

                                                                                                                                                                                                        Au travers de ces « conversions de la misère » l’auteur nous laisse entrevoir une société en lambeaux où le dénuement et la maladie vont quelquefois pousser des parents à abandonner leur propre enfant en espérant ainsi le sauver. Recueilli et baptisé, le converti demeurera attaché à sa culture d’origine. Les mœurs paraissent plus fortes que la foi. Autrement dit la dimension sociale de la religion (pratiques matrimoniales, circoncision, etc.) semblent l’emporter sur son aspect privé. Sous peine d’un échec total, l’Église se voit obligée de s’accommoder d’écarts incongrus.

En devenant chrétiens, nous n’adoptons pas une religion étrangère, nous renouons avec nos racines les plus anciennes » disent les nouveaux chrétiens. 

Pourtant dans les premiers temps l’administration interdit le prosélytisme de l’église catholique ! C’était ne pas comprendre que face à l’islam, seule une force spirituelle pouvait équilibrer la situation. Monseigneur Lavigerie affirmait aux kabyles« nous sommes du même sang les français et vous( par les romains). Mais l’insurrection kabyle de 1871 incitait à la prudence, néanmoins les œuvres d’assistance aux orphelins arabes honorent la chrétienté d’Algérie .évoquons également les postes des pères blancs([qui ne devaient pas parler de Mahomet et du dogme de la trinité)» jésuites et religieuses subirent l’anticléricalisme du début du XX° s.

http://mdame.unblog.fr/

   Les plus celèbres des convertis de cette époque  

. Blottis au pied des contreforts de l’auguste chaîne montagneuse des Bibans, Ighil Ali serait passé inaperçu, comme de la cendre face au vent, sans la réputation ineffable de ses enfants. Et quels enfants ! Les plus dignes.

On peut citer la chaleureuse Fadhma Ath Mansour Amrouche, (1882-1967), ses deux enfants Jean El Mouhoub (1906-1692) et Marguerite-Taos (1913-1976) et l’autre nom, moins connu, de Malek Ouary (1916-2001). Sommités littéraires hors pair morts en exil, ils symbolisent ce que l’Algérie a enfanté de mieux. Leur point commun est d’être injustement et horriblement exclus du panthéon de la reconnaissance nationale même si leur notoriété a dépassé les frontières d’une Algérie oublieuse.:Ils étaient chrétiens Les manuels scolaires marguerite-taos-amroucheou universitaires, censés relayer l’histoire algérienne dans sa diversité linguistique, ne parlent toujours pas de la saga des Amrouche. 

Marguerite Taos Amrouch

 

 Jean Amrouch et sa famille <- cliquez                                                 

 

Jean Amrouch, :jea_amrouche

L’homme qui disait « Je pense et j’écris en français, mais je pleure en kabyle ».

           Sources : la Saga des Amrouch, et Sites Berbères,

à suivre       Les raisons de ce reveil ***cliquez

                                                                                            

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20 commentaires »

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  1. gaia dit :

    les arabes ont non seulement envahi notre pays l’algerie mais ils nous egalement islamises puis arabises le comble, quoi! les arabes n’admettent pas que les juifs soient en terres palestiniennes, mais eux si, en algerie. il faut quand meme se regarder avant de vouloir donner des leçons aux juifs. Lendoctrinement du coran commence à l’école primaire, réciter à haute voix les versets sans meme rien piger, on ne leur explique rien sauf que sa soeur ne doit pas sortir par exemple et alors ils grandissent et jouent aux peres enlevant toute autorité au paternel… Jusqu’a nos parents grands parents et arriéres grandsparents, ils font les priéres sans meme rien piger au sens, ils n’ont jamais parle arabe et ne parl que berbére… Je crois que le plus sage c’est de revenir à nos racines d’origine. Faisons le!!!!

  2. Vincent Lajaro dit :

    > Gaia,

    J’ai bien apprécié votre commentaire.

    « réciter à haute voix les versets sans meme rien piger », c’est bien là, à mon avis, tout le problème de l’islam et des musulmans. Est-ce que la plupart de musulmans ont bien lu le Coran en l’analysant froidement sans tenir compte de cet endoctrinement ? J’en doute quand on y lit la haine proclamée du juif et du chrétien.

    Les mots ainsi mémorisés dès l’enfance ont une très grande force et il est très difficile de les remettre ensuite en question.

  3. Hacene dit :

    je suis quelqu’un aime beaucoup les religions, je tient à vous dire que le fait qu’il existe des chrétiens en kabylie s’en est la faute ni des français ni des arabes, c’est un choix d’hommes et de femmes qui choisissaient leur chemin et cela n’est pas un pêché, laissant les gents vivent en paix parce que la diversité est une richesse un plus pour nos fils et petit fils.
    vivre les chrétiens et vive les musulmans

    confessions d’un kabyle ….

  4. karinas dit :

    je suis de béjaia,,je suis un chrétien et pour moi il n’y a que le christianisme,, je porte un grand respect pour l’islam et les musulman, parce que ils sont mes frères, et sur tout c ma religion qui ma laisse de faire et d’etre comme ça. merci

  5. amaz dit :

    ce que les kabyles ne savent pas :
    Leurs parents n’ont jamais choisi l’islam eux les laïques mais ont été abusés par la ruse qu’utilise l’islam des (muzs)en pratiquant la taqia,
    (la dissimulation).Ils on été islamisés à leur ainsi par les mourabitines(marabouts)parlant le berbère kabyles partis de Maroc .
    Il faut savoir que la femme KABYLE joue un rôle prépondérant dans la société ..Et c’est par elle via les naissances les maladies et le rôle que joue ce personnage qu’ils ont utilisé pour islamiser à comme, commencer par donner des prénoms comme arabe à un kabyle qui pour lui faire aimer les arabes à qui
    par ailleurs ils n’ont jamais eu à faire.

    C’est bien les musulmans missionnaires berbères qui ont fait ce travail de sape. UNE VRAIE TRAHISON.
    Changer la société de l’intérieur, telle était la méthode qui a porté ses fruits, la preuve. par la suite Napoléon III avec ses bureaux arabes qui rêvait de royaumes arabes à commencer l’arabisation des kabyles et des lieux.la suite amère ,on la connaît.

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